Chères et ringardes, les cartes de Météo France chassées de la télé
A partir de janvier, Météo France ne sera plus en charge des prévisions météo nationales sur les chaînes télé du service public. L’information, révélée par Challenges à la mi-octobre, indique que c’est la filiale française du groupe anglais MeteoGroup qui lui a ravi la place qu’elle occupait depuis toujours.
Une incompréhension pour beaucoup de téléspectateurs, qui vivent ce changement comme un abandon supplémentaire du savoir-faire « made in France ». Ce message envoyé par un téléspectateur au service de médiation de France 2 met en cause le manque de solidarité de France Télévisions :
« Bravo, super, vraiment nulle la direction de France Télévisions pour faire passer les Anglais devant les Français pour la fourniture des données météo. »
Une flèche décochée sur la mauvaise cible.
Une contrainte européenne
Car à l’origine de ce changement historique, une règle de libre concurrence de l’Union européenne. Il est interdit pour un membre de l’Union de réserver un marché à une entreprise nationale. Et après étude des dossiers concurrents, France Télévisions a estimé que MeteoGroup apportait « un meilleur service éditorial, notamment en matière d’infographie », pour un prix plus avantageux, explique un communiqué de France Télé.
Et Météo France de concéder son retard :
« Nous avons encore des efforts à faire sur les questions de mise en scène et de mise en images. »
Même si on est pas experts météo, les vidéos parlent d’elles-mêmes : les prévisions de Skynews, un des clients de MeteoGroup, sont plus attrayantes que celles de France 3, client de Météo France. Quand les infographies anglaises ressemblent à des images satellites de pointe, les cartes françaises sont, elles, désespérément statiques. Et pour 30% plus cher. (L’EURO trop FORT de 30% par rapport à la Livre)
Un tournant symbolique
Météo France n’est pas la première « victime » de la concurrence de MeteoGroup parmi les « petites » agences nationales. En Suisse, en Autriche, au Danemark, en Allemagne et en Grande-Bretagne, des chaînes publiques ont déjà recours aux services de MeteoGroup, qui vient d’être racheté par le géant américain General Atlantic.
Mais le tournant symbolique est important. Météo France, établissement public à caractère administratif, a pour mission première d’assurer la sécurité météorologique des personnes et des biens. Pour les deux ans qui viennent, cette mission de sécurité nationale est en partie confiée à un opérateur étranger. Notons que Météo France conserve le marché sur les chaînes régionales de France Télévisions.
L’ouverture du marché des prévisions météorologiques, initiée à la fin des années 1970, oblige peu à peu Météo France à se plier aux règles de libre concurrence.
En 2011, le Haut conseil à la concurrence avait été saisi par Météo Consult, société privée qui estimait avoir été évincée d’une série d’appels d’offres du fait des prix artificiellement bas proposés par Météo France aux entreprises, grâce à ses subventions publiques (ses activités commerciales ne représentent que 10% de ses recettes).
Risque de « moins-disant social »
Les conséquences du grignotage progressif du monopole de Météo France vont faire perdre 89 emplois à l’opérateur en 2014, après déjà 100 suppressions de postes en 2013 sur 3 500 salariés. Et la CGT s’inquiète [PDF] des évolutions en cours :
« Lorsqu’on met en concurrence Météo France et des sociétés privées de météorologie, on met également en concurrence les conditions de travail des salariés, leur expérience et leur niveau de rémunération…
En développant plusieurs filiales, avec le but avoué de remporter de nouveaux marchés, Météo France joue en partie ce jeu du moins-disant social. La création de filiales, c’est aussi un moyen de contourner le statut et les acquis sociaux des salariés fonctionnaires de Météo France. »
La concurrence pourrait devenir bien plus dangereuse pour l’établissement public. A l’occasion de sa candidature au poste de directeur de Météo France, Jean-Marc Lacave a en effet interpellé [PDF] la commission parlementaire qui l’auditionnait, sur les dangers qui pèsent sur Météo France, « au nom de la compétitivité ».
Intervention de Jean-Marc Lacave devant la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire (Capture d’écran)
Quand le ciel unique européen sera créé, Météo France pourrait perdre 25% de ses recettes, si elle ne remportait pas les appels d’offre pour l’aéronautique civil français.
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